Monter l'escalier

Publié le par Nino

       Il y a un vieil adage qui dit que le meilleur moment en amour, c'est en montant l'escalier dans les minutes précédentes. Pour ma part, c'était vrai lorsque j'étais éloigné d'elle et que je recevais une lettre, une vraie, avec du papier et une enveloppe autour. Oui, c'était dans ces temps reculés où l'e-mail n'existait qu'entre laboratoires universitaires, où le téléphone portable pesait 10 kgs et ne se trouvait que dans les voitures des patrons, où on payait avec des francs... Mais je m'égare.
       Lorsque je rentrais chez moi, et parfois même je rentrais aussi le midi pour ça, j'ouvrais d'un geste impatient ma boîte aux lettres. La plupart du temps, elle était vide, enfin vide de missives intéressantes. Et puis parfois, suffisamment rarement pour se faire ardemment désirer, la lettre que j'attendais était posée là, à attendre que je la lise.
       Quand je la voyais, j'avais le coeur qui battait la chamade, j'étais presque ému qu'elle écrive ainsi à mon intention, je voyais son écriture soignée sur l'enveloppe, et à chaque fois, un joli timbre mis exprès de travers pour me taquiner. J'aurais pu la prendre, la déchirer, avaler les mots qui m'étaient offerts, mais non. Je la prenais tout doucement, je la gardais dans ma main et je prenais l'escalier pour faire durer encore l'attente. De toutes façons, y avait pas l'ascenseur... Cinq étages plus haut, je tardais à ouvrir la porte, je buvais un verre d'eau tout doucement, je m'asseyais encore quelques secondes pour penser à ce qu'elle voulait me dire.
       S'il y avait des factures ou des publicités, je mettais encore un peu de temps à les regarder, mais mon esprit n'y était pas. Je subissais ma propre torture de l'attente, et dernier vice, je prenais un couteau très fin pour ouvrir soigneusement l'enveloppe, pour ne pas arracher le papier comme un soudard impatient. La feuille couverte de mots se déployait devant mes yeux, et là, son écriture me ravissait toujours autant. Mais pour savoir ce qu'elle me disait, vous repasserez...

Publié dans Renaissance

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M
je crois que c'est sacha guitry qui disait ça... A vérifier !
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N
Perdu ! C'était Clémenceau :-)Quand on parle du Clémenceau aujourd'hui, on pense plus à l'amiante qu'à l'amour...