SoftBalls
Je les ai achetées il y a déjà quelques semaines, voire même plusieurs mois, juste avant qu’Elle ne vienne passer quelques vacances chez moi. Pour être à l’écoute de Ses moindres désirs, elles avaient donc été immédiatement cachées, masquées, escamotées, soustraites, dissimulées. Tellement bien que je les avais presque oubliées. Cette idée me trottait pourtant dans la tête depuis un moment. Je voulais essayer, découvrir. Et ce soir, elles sont réapparues ! Je suis allée les chercher dans leur introuvable cachette. Je les ai délicatement sorties de leur étui, observées, caressées, malaxées. Puis je me suis préparé à leur introduction. Histoire que notre rencontre se fasse de la façon la plus douce possible. Après les ablutions, je les ai lentement, doucement, tout doucement, fait glisser en moi. Sensation étrange, insolite, surprenante.qui trouvera le texte original que j'ai ignominieusement détourné parce que j'aime bien son auteure ?
Avec elles, le silence n’est pas immédiat, il faut quelques instants. Il ne faut surtout pas faire l’erreur de rester immobile. Au contraire ! Je marche, allume ma télé, crie dans le bureau, branche la radio, applaudis. Je les sens en moi filtrer toutes les vibrations et tous les sons. Je sens mes tympans les enserrer et relâcher sa prise au rythme des bruits et de mes mouvements. Impossible d’oublier leur présence en moi. Même si ma tête n’y pense plus une fraction de temps, mon esprit s’empresse de le lui rappeler ; il s’interroge, se relâche puis se questionne à nouveau, s’apaise une seconde et mes scrute à nouveau. Les sonorités sont comme des vagues, elles m’abandonnent quelques instants puis reviennent de plus belle, me délaissent et me reprennent, m’inondent. Tout se fait en sourdine, subtilement, doucement.
Je n’en suis qu’au début de mon aventure de malentendant. Pas encore de vertige en vue, je n’ai pas beaucoup d’expérience de ce point de vue. Et puis je ne suis réellement sourd qu’avec parcimonie. Je ne le suis qu’avec les personnes que je veux physiquement effacer. Ma tête, mon esprit, mes tympans et ma thyroïde sont étroitement liés… Donc pas de silence mais un bien-être discret et inattendu, perception nouvelle, redécouverte à chaque son.
Et puis il y a quelque chose d’amusant à provoquer ces sensations en étant le seul à savoir ce qui se passe en moi. Quelque chose qui fait monter la curiosité, et l'agitation aussi. Je les porte en ce moment même. J’ai mis mes boules Quies uniquement seul chez moi, et je n’imagine pas qu’il en soit autrement. Pourtant, je reconnais que l’idée de cette expérience solitaire et secrète pendant un entretien, lors d’une réunion, ou au cours d’un repas a quelque chose de saisissant.
J’avais Diego tout à l’heure au téléphone alors qu’il s’escrimait sur son dernier jeu vidéo hors de prix donc forcément indispensable, et je lui dis « j’écris mon prochain article, le sujet c’est ce que je porte ». Il me répond sans que j’entende et pour cause « allons bon, tu portes à porte ou quoi ? ». Je lui précise alors que j’écris sur « ce que je porte exactement en ce moment même ». Petit blanc de Diego qui me demande après réflexion si je porte à faux, prête à rire ou perds tes profits. Bon, pas très à l’écoute le garçon, en même temps il est 1h67 du mat’ et je n’entends rien de ses réponses. Je lui lance donc une bouée: « c’est à mettre dans les étiquettes ». Silence. Puis j’entends un bourdonnement qui me tente de me dire « Noooooon t’as mis des boules Quies ???!? ». Je me suis donc beaucoup escrimé pendant toute notre conversation à lui faire part de mes élucubrations (« je crie je rote je chante je siffle j’applaudis je ronfle je murmure ») afin qu’il soit tenu au courant le plus finement du monde de la capacité d’adaptation des petites boules enfouies en mes oreilles. J’ai évidemment réussi à lui casser les siennes (d’oreilles), mais au-delà de ça, je me suis rendu compte d’un truc. Avant qu’il ne saisisse, pendant les quelques instants où il ignorait la situation, j’avoue innocemment que de parler honteusement avec quelqu’un, tout en ne l’entendant que très vaguement m’a semblé plutôt grisant… (et je ne m’en excuse même pas). J’ai l’impression que ce genre de sensation attise l’amusement déjà engendré par les boules, décuple le décalage du moment.
Malgré tout, l’activité ‘Boules Quiès et Entretien annuel en vue d’une augmentation‘ n’est pas d’actualité ! Le risque peut me distraire, le danger de se planter, lui, me pétrifiera. Je me préfère seul pour ressentir ces choses-là, j’ai besoin de ma radio, de mes CD, de cette musique-là.
Je vais donc continuer d’apprivoiser mon côté ‘sourdingue’ en attendant ma Belle à la voix de velours… Manquerait plus que je me mette à la musicothérapie...