Elle ouvre les yeux
Elle est sur le dos, les draps posés de ci de là sur son corps. Elle dort encore, alors que les rais de lumière zèbrent son visage à travers les volets.Sa tête est inclinée sur l'oreiller, sa respiration est régulière, je ne sais pas si elle rêve encore, j'ai bien fait d'entrer sans faire de bruit. Son visage est tellement beau, je m'assieds sur le bord du lit, j'ai l'impression de lire une lettre qui ne m'est pas adressée.
Je suis venu sans les croissants, trop lourd, elle n'aime pas ça, elle préfère une toute simple baguette que je prends chez le boulanger en bas de chez elle. Le pain craque encore dans son petit papier, il m'a tiédi les doigts, le temps que je monte les quelques étages qui me mènent chez elle. Le fumet du pain chaud est si léger, et pourtant, je crois voir ses narine frémir un quart de seconde.
Sa tête bascule de l'autre côté de l'oreiller, je pose mon menton sur le creux qu'elle vient de laisser, je respire le parfum de sa peau et je suis aux anges. Elle m'entend fredonner tout doucement, je le sais, elle esquisse un sourire qui tend imperceptiblement ses lèvres. Elle tourne à nouveau la tête vers moi, elle se pose avec la délicatesse d'une mésange sur la branche.
Et elle ouvre les yeux. Quel bonheur. Son regard est pour moi, son sourire aussi, ses pupilles sont claires comme de l'eau, et le soleil est pâle à côté. Ses mains se posent sur mes joues, elle m'embrasse doucement, sans un mot. D'un coup, je sens une larme perler, puis dégringoler sur ma joue. Elle me demande si ça va, alors qu'elle sait très bien la réponse. Son regard du matin est une source de bien-être.